Syndicalisme révolutionnaire des locataires: Vers une grève générale des loyers!

Une crise

Nous avons serré les dents. Nous avons remis l'argent gagné à la sueur de nos fronts et pour lequel nous avons vu nos corps se dégrader sous prétexte que nous pouvions encore « vivre » malgré tout. Mais la cupidité des propriétaires est sans limite. Ils ont vu les profits que d'autres propriétaires peuvent tirer des locataires dans des villes comme Toronto. Depuis, ils font tout ce qui est en leur pouvoir pour nous rendre la vie insupportable au nom du profit.

Le loyer moyen à Montréal, qui était de 730 $ en 2011, s'élève aujourd'hui à 1500 $ par mois pour un nouveau bail d'un appartement d’une chambre non-meublée (3 ½). Dans ce contexte, pas surprenant que les expulsions aient augmenté de 150 % entre 2021 et 2022.

Les locataires non rentables ont été expulsé·e·s sous prétexte de rénovation (ce que l’on appelle désormais « rénoviction ») pour faire place à des quartiers nouvellement embourgeoisés. Le simple fait d'être locataire est de moins en moins possible. La population des sans-abris est, elle aussi, passée de 3 100 à plus de 4 000 entre 2018 et 2022.

Solidarité et action directe

Comme locataires, nous nous sommes habitué·e·s à considérer ces problèmes d'augmentation de loyer ou de propriétaire comme des problèmes « personnels ».

Nous en sommes rendu·e·s à accepter la philosophie selon laquelle nous sommes seul·e·s dans une lutte contre un ennemi beaucoup plus puissant. Pourtant, en regardant autour de nous, nous trouverons des dizaines de milliers de voisin·e·s confronté·e·s aux mêmes problèmes.

C'est dans un syndicat que nous protégeons les intérêts personnels des un·e·s et des autres. Grâce à la garantie qu'une « attaque contre l’un·e » sera considérée comme une « attaque contre tou·te·s», nous utilisons tout le poids de notre force collective pour défendre chacun·e de nos membres. Cette dynamique s'appelle l'entraide et la solidarité.

L'action directe nous donne de la force en tant que locataires. L'action directe est militante et autonome. Elle ne fait pas appel aux autorités, par le biais de procès ou de lobbying, mais force le changement par la pression ou l'expropriation. Un syndicat de locataires montre que les propriétaires ne sont pas à l'abri d'une grève des loyers, d'occupations de leurs bureaux, de marches jusqu'à leur domicile, d'occupations ou de banderoles sur les balcons.

Le 1er mai: Une histoire de grèves des loyers

Ce 1er mai marque le 6e anniversaire de la grève des loyers de 2017 à Toronto. Pendant près de sept mois, jusqu'à 300 grévistes se sont lancés dans une bataille rangée comprenant des occupations de bureaux et une visite militante à domicile. Les grévistes empêché leur augmentation de loyer, ont obtenu un vaste plan d'entretien et un allègement des loyers pour les locataires les plus pauvres.

Inspiré·e·s, en 2018, 55 autres locataires de Toronto ont entamé une grève des loyers sous l'égide d'un autre propriétaire, repoussant une partie d'une importante augmentation de loyer. À Los Angeles, en 2018, plus de 200 locataires latino-américain·e·s ont fait la grève des loyers pendant plusieurs mois, et la grande majorité du groupe a réussi à forcer leur propriétaire à leur permettre de conserver leur loyer.

En 1931, à Barcelone, jusqu'à 100 000 locataires ont fait la grève des loyers. Des barricades ont été érigées dans la rue pour empêcher la police de procéder à des expulsions. En 1963, 850 familles noires de Harlem ont entamé une grève des loyers, et de nombreux locataires ont finalement vu leur loyer ramené à 1 dollar par mois (oui, un dollar par mois!).

Les locataires organisé·e·s ne sont pas sans défense. En fait, les grèves des loyers menacent de créer une situation où les propriétaires ne peuvent pas percevoir les loyers et où la police ne peut pas faire respecter leur droit de propriété. En fait, les grèves des loyers menacent d'exproprier les propriétaires et d'expulser l'État de nos quartiers. On peut appeler cela une révolution.

Comment s'organiser en tant que locataire

S'organiser comme locataire peut se faire dans des duplex ou des immeubles de grande hauteur. Commencez par frapper aux portes et par des conversations individuelles.

Si vous habitez un duplex ou un triplex, vous pouvez frapper aux portes des autres immeubles de votre quartier ou de la rue avoisinante. Même si vous n'avez pas le même propriétaire, rien n'empêche les locataires de veiller aux intérêts des autres et de créer des « comités de quartier ».

Afin de rassembler les locataires, une réunion est organisée pour discuter des problèmes communs et s'entendre sur la marche à suivre. Deux types d'activités sont possibles : 1) le renforcement de la communauté ou 2) l'action directe. Si les locataires veulent voir des changements dans leurs logements, une pétition est généralement un bon point de départ.

Le Syndicat autonome des locataires de Montréal (SLAM) est un syndicat montréalais structuré comme un « seul grand syndicat » pour tous les locataires. Au cours de la dernière année, les locataires du SLAM se sont organisé·e·s dans plus d'une douzaine d'immeubles. Iels ont marché sur les bureaux de COGIR, déposé des banderoles sur les balcons de Cromwell et repoussé l'expulsion du campement de Ville-Marie.

Les comités de logement: une stratégie vouée à l'échec

Les dernières années ont montré que les stratégies actuelles d'audiences judiciaires et de lobbying politique pour les réformes ne mèneront nulle part. Ces stratégies employées par les ONG, notamment les comités de logement, ont réussi à récupérer de nombreux locataires autrement militant·e·s, et à les orienter vers des tactiques qui échouent.

Il ne s'agit pas d'une lutte où les locataires ont besoin de connaître « leurs droits ». Nous n'avons pas besoin de réformes ou de connaissances juridiques. Le système judiciaire garantit aux propriétaires le droit de percevoir les loyers, le droit d'expulser les locataires et le droit à une augmentation de loyer annuelle (qui, cette année, peut atteindre plus de 7 %). La CAQ et les gouvernements municipaux préfèrent manifestement les empires immobiliers à une réforme, même mineure, du logement social et de la loi.

Chaque fois que nous demandons aux autorités de résoudre nos problèmes, nous perdons des occasions d'organiser nos voisin·e·s et de mettre l'accent sur l'action directe. Malheureusement, même nombre de réformistes ont choisi de s'en remettre aux audiences des tribunaux ou de demander une réforme du logement plutôt que d'organiser les locataires.

En tant qu'anarchistes et anticapitalistes, il ne suffit pas de s'organiser entre nous. Un syndicalisme révolutionnaire promet une grève générale des loyers qui peut conduire à l'expropriation des propriétaires. Le chemin vers la victoire à petite échelle et la révolution sont une seule et même chose.

- Des membres du SLAM-MATU (Syndicat de Locataires autonomes de Montréal / Montreal’s Autonomous Tenants Union)

 

Sources:

Déloger pour s'enrichir: La hausse alarmante des évictions forcées au Québec, RCLALQ, 2022.
Homeless in Montreal fighting COVID-19, freezing temperatures and police, APTN-News, 2022.
Montreal's February Rent Report Is Out & Here's Where You Might Be Able To Afford To Live, Mtl-Blog, 2023.
Zine, "The Tenant Organizer's Handbook", Montreal, 2023.