Qui pollue quand le Canada et les États-Unis le font moins?

La conférence de Paris, dès le départ, visait à prendre l’année 1990 comme année de référence pour la réduction des gaz à effet de serre (GES). Cette année semblait critique pour plusieurs observateur.trice.s internationaux, puisqu’il s’agissait d’une année charnière dans le commerce mondial : le début d’une accélération des délocalisations massives vers des pays comme la Chine, l’Inde ou le Mexique. De cette façon, les accords internationaux mis en place, comme le Traité de Paris de 2015, servaient principalement les intérêts des pays du Nord, en transférant la responsabilité des gaz à effet de serre aux pays nouvellement en charge de la production industrielle. Selon cette logique, l’année 1990 devait être celle à partir de laquelle les pays du nord atteignent le pic de leurs émissions de GES et nous devrions observer une augmentation de la production de GES au Mexique, tandis que le Canada et les États-Unis verraient une diminution.

On remarque que le pic d’émission de gaz à effet de serre attendu en 1990 s’est produit vers 2005- 2008 pour les États-Unis et le Canada. Pour le Canada, la raison est simple : l’Alberta, la Colombie-Britannique et la Nouvelle-Écosse ont mis en place des programmes pour convertir les usines au charbon en des usines au gaz naturel. À production électrique équivalente, le gaz naturel produit près de 2 fois moins de GES, si l’on ne prend en compte le processus d’extraction1, permettant la baisse observée après 2008. Bref, certains efforts ont été mis en place par le Canada et les États-Unis, mais surviennent au même moment que le prix du charbon augmente.

Toutefois, entre 1990 et 2013, la production de gaz à effet de serre a augmenté de 1,3% au États- Unis2, de 20,5% au Canada3 et de 40% au Mexique4. La décision américaine de se retirer de l’accord de Paris peut sembler contradictoire, mais il faut observer les raisons systémiques qui expliquent ces transformations. Dans ces trois pays, la principale contribution à la hausse de production de gaz à effet de serre vient de la hausse de la consommation énergétique. Entre 1990 et 2015, la consommation d’énergie a augmenté de 15% aux États-Unis, de 20% au Canada et de 66% au Mexique. Toutefois, les données permettent d’aller plus loin et de mettre encore plus en évidence le rôle de la consommation et de la délocalisation industrielle dans la consommation électrique.

Au Mexique, les statistiques gouvernementales sur la consommation énergétique en disent long sur les liens entre la consommation nord- américaine et les industries mexicaines. La croissance de la consommation énergétique au Mexique provient surtout des secteurs industriels et des transports, qui ont augmenté respectivement de 52% et de 98% entre 1990 et 2019. En comparaison, l’utilisation énergétique résidentielle mexicaine, entre 1990 et 2016 n’augmente que de 17%. Il est clair que le transfert des industries vers le Mexique a amené une forte croissance des gaz à effet de serre.

Ainsi, la ratification de ces accords ne signifie absolument pas que des efforts sont effectués, ou que des cibles seront atteintes. Ces accords sont implémentés sur une base volontaire et sont non-contraignants.

Pour plusieurs pays, il s’agit principalement d’une manière d’obtenir du paraître comme bon joueur sur la scène internationale, donner l’apparence de collaborer avec les autres pays. Les beaux discours des gouvernements ne font que masquer qu’ils continuent de développer des industries polluantes, comme le gouvernement Trudeau qui a acheté un pipeline de 4 milliards permettant d’augmenter la production de sable bitumineux de près de 590 000 barils par jours.

Entre 1990 et aujourd’hui, la croissance économique n’a pas cessé, et donc la production de GES ne cesse d’augmenter. Que les usines soient au Canada ou au Mexique n’y change rien : tant que les industries croissent, les GES vont croître. Les décisions individuelles, s’éclipsent derrière les décisions industrielles internationales. Aucune solution sensée n’est venue des États sinon que de transférer notre pollution aux pays du Sud et de mettre en place encore plus de centrales électriques fonctionnant aux combustibles fossiles. Il faut lutter contre les industries polluantes et autres projets de développement et trouver des solutions collectives à la consommation galopante qui affecte nos vie.

 

Notes:

  1. L’extraction du gaz naturel peut entre autre se faire par le fracking, qui est particulièrement plus polluant (et risqué) que l’extraction du charbon.
  2. https://bit.ly/3azBPlx
  3. https://bit.ly/2RJvqvo; les documents sont cités une fois, la plupart des chiffres présentés proviennent des comptes de chacun des pays.
  4. https://bit.ly/2RH4Zqd