Le défi de l’articulation des luttes anticapitalistes (2011)

Atelier 1 : de 11 h à 13 h
Le défi de l’articulation des luttes anticapitalistes
Des luttes globales aux luttes locales spécifiques : réflexions sur « le mouvement »

Au Québec, dans les années suivant le Sommet des Amériques de 2001, de nombreux questionnements émergent au sein des groupes anarchistes sur le fait d’être constamment « en réaction » à l’agenda des gouvernements. A partir de 2003, on voit émerger une panoplie de petits collectifs qui décident de faire un travail sur des enjeux spécifiques (locaux ou de solidarité internationale), un travail basé en théorie sur le long terme. Cette « explosion » de petits collectifs a eu et continue d’avoir plusieurs impacts positifs importants. Cependant cette diversification de collectifs menant des luttes spécifiques a aussi entraîné la dispersion du mouvement et la perte de visibilité de l’anticapitalisme.

Après le hara-kiri inévitable de la Clac en 2006, les diverses tentatives de créer un espace de coordination entre les groupes et les appels à des moments de confluence vers une mobilisation commune n’ont donné que peu de résultats. Il y a alors lieu de se demander pourquoi les collectifs anarchistes montréalais ne répondent plus, ou du moins très peu en tant que groupes, aux appels à la coordination et à la mobilisation de masse.

Mobilisations et grands enjeux conjoncturels vs luttes locales spécifiques à long terme

** Croyons-nous que nous pouvons/devons construire un mouvement en se concentrant uniquement sur des luttes spécifiques à long terme, chacun de notre côté ?

** Avons-nous cessé de croire à l’importance stratégique de la construction d’un mouvement anticapitaliste, entre autres par le biais de la mobilisation ? Croyons-nous que la mobilisation de masse sur des enjeux larges est nécessaire ?

** Notre perspective anticapitaliste sur ces enjeux locaux (dans la plupart des cas autour de la défense de droits) est-elle visible en dehors de nos têtes et de nos milieux restreints ? Faisons-nous le lien entre les luttes spécifiques que nous menons ?

** Avons-nous laissé tomber le travail « en réaction et dans l’urgence » des contre-sommets pour la remplacer par le travail tout aussi « en réaction et dans l’urgence » des luttes quotidiennes spécifiques ?

** On note dans le milieu anarchiste une idéalisation du « travail de base sur le long terme » et un dénigrement des grandes mobilisations, perçues comme « simplement symboliques ». Serait-ce causé par le fait que le premier nous offre la possibilité de voir des résultats concrets à court terme alors que le deuxième ne donne que des résultats relativement abstraits, difficiles à mesurer ? Le fait qu’un moyen ne donne pas de résultats tangibles signifie-t-il pour autant que ce moyen n’est pas utile et stratégique ?

** Croyons-nous que tant les luttes spécifiques que les mobilisations plus larges sont toutes deux des composantes essentielles et complémentaires du mouvement anticapitaliste ? Si oui, comment équilibrer et articuler ces différentes formes de luttes ?

** Plusieurs anarchistes mettent de l’avant le fait qu’il faut construire nos alternatives et projets concrets en dehors du système. La fait que ce type de travail soit souvent présenté comme étant en opposition à celui de l’éducation populaire, de la dénonciation et de la mobilisation, n’entraîne t-il pas le danger de nous refermer sur nous-mêmes ?
Importance stratégique d’articuler les luttes ? Le pourquoi et le comment…
Il semble que nous n’avons « plus le temps » de travailler ensemble…
Où est-ce par manque d’intérêt ?

** Si nous visons une transformation sociale radicale sur le long terme, croyons-nous pouvoir y arriver ou du moins nous en approcher, sans une certaine forme de coordination de la gauche radicale ? Pensons-nous qu’il est stratégique et essentiel d’articuler nos groupes en un mouvement anticapitaliste plus fort, unitaire et plus large ?

** Si oui, alors pourquoi les diverses tentatives de créer un espace de coordination entre les groupes ont presque systématiquement échouées ou n’ont eu que des résultats mitigés ?

La tentative de la CLAC en 2003-2004 de se restructurer en coalition de groupes a été vouée à l’échec. Plusieurs raisons peuvent être invoquées, mais la principale est sans doute « le manque d’un quelque chose de concret à faire ensemble ». Se réunir simplement pour se partager de l’information sur ce que chaque groupe fait, alors que cette info circule amplement par internet, n’avait plus aucun intérêt.

La solution de rechange du Bloc AMP, une structure ou un ensemble de groupes adhèrent à des principes communs, qui est activée seulement lorsqu’une conjoncture précise nous semble propice à un travail conjoint entre les groupes, permettait de ne pas avoir à maintenir la bureaucratie d’une structure de coordination de manière continue. Pourtant elle n’a donné que des résultats mitigés ; aux appels lancés par le Bloc AMP peu de militants ont répondu.

Il y a par contre eu des expériences de travail en coalition qui ont porté fruits. Nous pouvons mentionner la coalition Avortons leur congrès en 2005, le 1er mai anticapitaliste qui depuis 2008 s’est transformé en tradition annuelle rassembleuse de la gauche radicale montréalaise, ou même l’appel de la CLAC 2010, qui malgré le fait qu’elle n’ait pas réussi à attirer les groupes à s’y impliquer, à le mérite d’avoir rassemblé à nouveau plusieurs militants, jeunes et vieux, autour d’un effort conjoint de mobilisation.

** Est-ce parce que les appels à travailler ensemble sont presque toujours faits dans le contexte d’un appel à une mobilisation et que certains voient l’intérêt d’articuler nos groupes et nos luttes, mais en-dehors de l’urgence?

• Si oui, alors pourquoi les tentatives de s’articuler dans un espace, lorsqu’il n’y avait pas « quelque chose de concret à faire ensemble » (comme ce fut le cas, avec la « CLAC des groupes ») a semblé justement ne pas fonctionner à cause de ce vide ?

• Si nous devons construire cet espace en dehors d’une conjoncture précise nous appelant à travailler ensemble, comment faire pour que les collectifs y voient un intérêt stratégique suffisant pour prendre le temps de mener cet exercice en dehors d’un « quelque chose de concret à faire ensemble, tout de suite » ?

** Quel type de « véhicule » ou structure serait le meilleur pour articuler les luttes menées dans une perspective anticapitaliste à Montréal ?

** Quels moyens devons-nous mettre en place pour aller au-delà de la réflexion et avancer dans le processus de construction de formes concrètes d’articulation des luttes spécifiques dans un mouvement anticapitaliste à court et moyen terme?