Des conquistadores en costard-cravate…

Le néocolonialisme, c’est à dire le contrôle des nations moins puissantes par les pays occidentaux par des moyens indirects tels que les politiques commerciales, économiques et financières, est indispensable au développement du capitalisme. L’accès aux ressources et à la main d’oeuvre bon marché, ainsi que la création et l’ouverture de nouveaux marchés doivent être conquis par tous les moyens nécessaires y compris, si nécessaire, par la force militaire. La mise en place de ces politiques par des institutions internationales comme le G8, le G20, la Banque mondiale, le Fonds monétaire international (FMI) ou l’Organisation mondiale du commerce (OMC), mènent inévitablement aux crises tant économiques, qu’alimentaires ou humanitaire et sont désormais les premières armes utilisées par les pays impérialistes afin d’assurer leur domination sur les pays du Sud.

Les rapports de domination qui déterminent aujourd’hui les relations internationales prennent leurs racines dans l’entreprise coloniale et l’esclavagisme qui ont permis aux pays d’Europe de l’ouest d’assurer leur domination économique et politique et d’accumuler les capitaux nécessaires à l’essor du capitalisme et de leur bourgeoisie nationale. Leur développement fut indissociable de l’économie coloniale qui a permis et continue de permettre un accès privilégié aux matières premières et à une main d’œuvre bon marché. Cette domination s'est renforcée par la suite par une dette publique et privée du Sud envers le Nord, dont le pillage humain et économique des pays du sud par ceux du nord a depuis longtemps été remboursé au centuple. On peut citer en exemple Haïti, qui à la suite de son indépendance, sera forcée en 1825 par la France à rembourser pour dédommagement l’équivalent actuel de 45 milliards de dollars en perte relié à l’arrêt de la traite des esclaves. Une somme dont le remboursement ne sera complétée qu’en 1972.


Les acteurs et les outils de la domination

Cette situation de néo-colonialisme se traduit par un renforcement des liens de dépendance entre pays du Sud et grandes puissances, qui s'opère par le biais d'un repositionnement militaire et économique des puissances impérialistes. Que ce soit sous le discours de la lutte à la drogue et au terrorisme (Plan Colombie, Plan Mexico, Afghanistan, Irak), sous le discours du développement (ZLÉA, accords bilatéraux, PPP, IRSA), ou de l'aide économique d'urgence (dollarisation des économies : Guatemala, Panama, Équateur, Argentine, etc.) ou de l’aide humanitaire (Somalie, Kosovo, Haïti) , les pays du G8 mettent en place les mécanismes leur permettant de renforcer leur hégémonie politique et économique, en préparant le terrain pour offrir sur un plateau d'argent les ressources naturelles et la main d'oeuvre des pays pauvres à leurs multinationales.

Les États riches et les institutions multilatérales tentent de redorer l’image de leur mondialisation à l’occasion de sommets comme ceux du G8/G20. Les chefs d’État élus sont mis en avant pour mieux masquer les forces et lobbies qui y agissent sans aucun contrôle citoyen. L’invitation de représentants des pays dits « en voie de développement » ou de certaines ONG à ces rencontres entre parfaitement dans ce processus de légitimation. Les accords qui ressortent de ces sommets se font toujours au détriment des populations les plus vulnérables. Les institutions internationales interviennent afin de rendre les pays pauvres toujours plus dépendants. Alors que les pays du Sud doivent s’ouvrir totalement au commerce international tout en subissant le protectionnisme économique du Nord.


Les dessous de la crise et de l’aide alimentaire ou quand la faim c’est payant !

En parallèle, les Institutions financières internationales (IFIs), tel que la Banque Mondiale, le FMI, l’OMC et les pays du G8/G20, en poussant pour l'ouverture des marchés et la libéralisation de l'agriculture (par les traités de libre-échange entre autres), ont forcé le démantèlement des économies locales et nationales et de la souveraineté alimentaire, avec l'entrée en force de l'agro-industrie d'exportation. Les politiques criminelles des IFIs ont fait sombrer dans la dépendance alimentaire les pays du Sud, augmentant ainsi leur situation de dépendance et de vulnérabilité envers le Nord.

Toutes ces mesures ont eu comme impact une diminution drastique de la production d’aliments de base dans les pays du Sud. Ainsi en Asie et en Amérique latine notamment, le nombre de paysans est en diminution constante. L’agriculture est passée en quelques décennies d’une agriculture de subsistance, dont les excédents sont écoulés sur le marché local, à une agriculture de type capitaliste destinée à l'exportation. Cela a détruit les économies paysannes qui se sont retrouvées exclues de leurs propres marchés locaux suite à l’inondation de ceux-ci avec les denrées à faibles prix provenant des monocultures subventionnées du Nord. Cette transformation a pour conséquence que des milliers de paysans doivent abandonner leurs terres de gré ou de force et devenir des travailleurs agricoles exploités dans les grandes plantations ou d’aller grossir les ceinturons de misères des bidonvilles, passant ainsi de producteurs d’aliments à demandeurs d’aide alimentaire.

Ainsi l’agro-industrie, dans une logique d’économie globale, fait en sorte que la production agricole des pays pauvres soit déterminée en fonction des besoins de l’extérieur ce qui les rend dépendants pour leur alimentation des importations des multinationales de l’agro-business et met fin à leur souveraineté alimentaire. Un pays qui dépend entièrement de l’étranger pour nourrir sa population est un pays profondément vulnérable. Il devient beaucoup plus facile de lui imposer la mise en place de politiques d’ouverture des marchés et la privatisation des ressources et des services qui vont en bout de ligne faire bénéficier les entreprises du Nord


Crise alimentaire globale

En 2007, le secteur agricole mondial a connu une production record, 4% de plus que l’année antérieure. Pourtant malgré cela, de 2006 à 2008, le prix des aliments de base a augmenté en moyenne de 83%. La spéculation sur les denrées de base, considérées comme des investissements « sécuritaires », l’augmentation des prix des aliments, la concentration des terres provoquée par l’agro-industrie et la conversion de milliers de paysans en cheap labor a provoqué le franchissement du cap du milliard de personnes qui souffrent de la faim dans le monde en 2009. Pendant que des millions de personnes crèvent de faim, les profits des multinationales de l’agro-alimentaire telle que Monsanto explosent.

La réponse à la crise alimentaire n’est pas dans l’augmentation de la production, comme voudraient nous le faire croire les mentors de secteur de l’agro-alimentaire qui s’enrichissent sur la faim à l’échelle mondiale. Le problème n’a jamais été la quantité d’aliments disponibles, mais bien l’accès injuste aux ressources et moyens de production qui permettent l’accès aux aliments. Le problème est structurel : il est dans le modèle agricole qui a été imposé mondialement – l’agro-industrie – un modèle de production agricole capitaliste, qui touche le fond. Dans le système capitaliste les aliments ne sont qu’une marchandise de plus à commercialiser et sur laquelle des profits peuvent être faits ; ils ne sont qu’un élément de plus pour instrumentaliser la domination Nord-Sud.


Les dessous de l’aide humanitaire : des missionnaires aux humanitaires

À l’époque de la conquête de l’Amérique on envoyait les missionnaires pour civiliser les « sauvages » en leur apportant lumière et civilisation, aujourd’hui on parle « d’aide humanitaire » pour leur offrir démocratie et liberté. L’humanitaire a maintenant remplacé le missionnaire.

Dès les débuts de l’aide humanitaire, on retrouve ce même désir d’impérialisme qui animait les missionnaires lors de la conquête. Cette citation de Gustave Moynier, le premier président de la Croix-Rouge entre 1864 et 1910 démontre sans contredit ce discours qui diffère peu de celui adopté 400 ans plus tôt par les puissances européennes : «Les peuples sauvages (...) font la guerre à outrance et cèdent sans arrière-pensée à leurs instincts brutaux, tandis que les nations civilisées, cherchant à l’humaniser, confessent par là même que tout ce qui s’y passe n’est pas licite ». En octobre 2001, Colin Powell, alors secrétaire d’État des États-Unis déclare : « Nous avons les meilleures relations avec les ONG, qui sont un tel multiplicateur de forces pour nous, une part si importante de notre équipe de combat. (...) Car nous sommes tous engagés vers le même but singulier, aider l’humanité, (...) »

L’humanitaire, quelques soit sa forme et ses acteurs, sert de prétexte et de couverture à des visées hégémoniques et impérialistes. Il est trop souvent au service du capital et des classes dominantes. L’humanitaire ne fait que soulager momentanément, il ne s’attaque jamais aux racines du problème, c’est-à-dire au capitalisme et à ses contradictions.


Militarisme et ingérence humanitaire

Tout au long de l’histoire du capitalisme contemporain, les discours se sont succédés pour justifier l’intervention militaire des nations puissantes dans des pays du Sud et ainsi camoufler les intérêts économiques motivant ces agressions derrière des prétentions salvatrices. De la guerre au communisme à la guerre au terrorisme en passant par la guerre à la drogue, il est difficile de distinguer clairement l’humanitaire du militaire dans le modus operandi de ces opérations tellement les deux instruments sont imbriqués l’un dans l’autre. On fait la guerre au nom de l’humanitaire et on invoque l’humanitaire pour justifier la guerre. Dans les 20 dernières années, c’est sous des prétextes humanitaires que les pays occidentaux, souvent avec l’aide de l’OTAN, leur bras armé, ont envahi plusieurs pays comme l’Irak en 1991, la Somalie en 1992, le Kosovo en 1999, l’Afghanistan en 2001, l’Irak à nouveau en 2003 et Haïti en 2004. Les pays capitalistes ne font appel au droit d’ingérence pour des motifs humanitaires que pour mieux servir leurs propres intérêts. Dans le cas contraire, c'est-à-dire lorsqu’il n’y pas d’intérêts économiques, ils invoquent le droit de « non ingérence dans les affaires intérieures des États souverains ». Cette vision sélective de l’humanitaire conduit ces États à intervenir massivement par exemple en Afghanistan et à rester passif face aux massacres perpétrés par l’État Israélien à Gaza ou face à l'État colombien, pays où on retrouve le plus grand nombre de syndicalistes assassinés annuellement au monde pour des motifs politiques.


La guerre pour l’humanitaire, ou détruire pour reconstruire

L’une des raisons principales des « guerres humanitaires » est la nécessité de reconstruire pendant ou après le conflit. Cette notion de destruction massive a été formellement mise en place peu après la Deuxième Guerre mondiale sous le nom de Plan Marshall. Le Plan Marshall fut en effet une opération d’envergure extrêmement rentable pour les alliés
(principalement les États-Unis) qui consistait à reconstruire l’Europe dévastée par la guerre, de façon à empêcher le « danger » socialiste. Il s’agissait en effet de rétablir les États, leurs forces répressives et des structures politiques locales à la solde des reconstructeurs avant tout, et de les assister par la suite à reconstruire les infrastructures en question et d’assurer les biens essentiels (aliments, santé, éducation, etc.) par le biais de ses entreprises nationales.

Au XXIème siècle, ce processus de reconstruction a besoin des ONG et des organisations humanitaires à la solde de « l’État agresseur » afin de limiter les risques d’insurrections ou de « révoltes populaires » reliées au manque de denrées de base, de soins primaires, de services médicaux ou d'un toit aussi précaire soit-il. Ces organisations permettent une première « pacification » de la population. L’occupation des ruines du Palais présidentiel et des points stratégiques de Port-au-Prince, par les parachutistes de l’armée américaine dans les jours suivant le séisme haïtien démontre bien que sur le terrain, l’humanitaire est largement subordonné au militaire, permettant ainsi le contrôle des opérations du début à la fin.

Que ce soit par la mise en place de mécanismes de régulations économiques et politiques ou par l’utilisation de la force, les pays du Nord continuent encore et toujours de piller les ressources au Sud au nom du profit. Toronto accueillera le G20 en juin, ce qui permettra encore une fois de dicter les grandes lignes de l’exploitation et du vol des pays du sud, ainsi que de la précarisation des conditions de vie des populations du Nord pour les prochaines années. Il est impératif de développer une solidarité internationale de tous et toutes les travailleur-euses et précaires par la création de réels mouvements de masse afin d’abattre une fois pour toute le capitalisme et l’État qui nous maintiennent dans cet esclavage moderne !