Vert, mais crosseur pareil!

À chaque mois d’avril revient le Jour de la Terre et aussi, cette année, une manifestation contre les changements climatiques, dans le cadre d’une rencontre des premiers ministres à Québec où il sera question d’environnement. Or, cette manifestation est organisée par Greenpeace. Et quand on parle de Greenpeace, on parle de Patrick Moore, l’autoproclamé cofondateur de Greenpeace, officiellement crosseur, qui nous montre à quoi lui ont servi ses divers postes d’importance dans la célèbre ONG. Ce qui est intéressant de constater chez Patrick Moore, c’est à quel point avoir été directeur et président de Greenpeace peut apporter au niveau financier, tout autant en étant à ces postes qu’en quittant l’organisme. Après son départ de Greenpeace, il a fondé son cabinet-conseil, se faisant engager par des compagnies qui voulaient se donner une dorure verte. Ces compagnies sortent comme arme le nom de Patrick Moore, parce que s’il est de leur bord, ça doit être parce qu’ils sont éthiques, qu’ils protègent l’environnement. Par contre, s’imaginer que son nom est vraiment une garantie de leurs aptitudes à opter pour un capitalisme vert serait se leurrer. Non seulement le capitalisme vert n’est en aucun cas souhaitable, mais Moore a complètement renié ses anciennes convictions. Il a d’abord affirmé dans les médias que les êtres humains n’ont rien à avoir avec le réchauffement climatique. Il n’y aurait rien qui prouve scientifiquement que nous contribuerions aux changements climatiques, qui sont d’ailleurs davantage bénéfiques que problématiques, toujours selon lui.

L’avenir…

Avec sa réputation d’environnementaliste, Patrick Moore défend l’industrie forestière en affirmant que c’est là qu’est l’avenir, que c’est la ressource renouvelable par excellence. Des compagnies l’engagent afin de faire passer plus facilement des projets, particulièrement au niveau du gouvernement. Son implication dans des alliances et des projets de « développement durable » lui a créé un nom comme lobbyiste, lui donnant la notoriété nécessaire pour se faire engager par de plus en plus de compagnies qui ont des pratiques nocives pour les écosystèmes. Moore affirme que les techniques employées par les compagnies qu’il défend ne causent pas de déforestation. Or, ils emploient une technique d’exploitation, le logging, qui, par définition, est de la déforestation et détruit des écosystèmes. Fort de son statut, il a entre autre défendu les pipelines transcanadiens de Kinder Morgan en affirmant qu’il serait totalement illogique, spécialement d’un point de vue économique, d’empêcher des compagnies telles que celle-ci d’opérer en toute liberté. Il va d’ailleurs jusqu’à expliquer que les gens ne peuvent pas comprendre l’importance du pétrole, car peu de personnes en comprennent son importance économique. Selon lui, si on arrêtait d’exploiter le pétrole, « des milliards de personnes en mourraient ». Par contre, il ne s’arrête pas à ces deux industries, non, ce ne serait pas employer son titre de cofondateur de Greenpeace au maximum. Il travaille également pour des entreprises minières comme la BHP Minerals Ltd., entreprise qui extrait un composé toxique, le molybdène, qui est néfaste pour les écosystèmes. Cette entreprise a également laissé l’un des plus grands trous au monde dans le cadre de ses activités. Il va également défendre l’énergie nucléaire, en affirmant que c’est la meilleure solution en terme d’économie et d’énergie, il soutient que l’éolien et le solaire sont des énergies renouvelables, mais trop coûteuses, donc à oublier de facto.

Des ententes controversées

Même si Patrick Moore affirme qu’il a quitté Greenpeace parce que l’organisme a pris un virage à « gauche », il ne faut pas s’imaginer que l’ONG soit si différente. L’appât du gain a tout de même une source commune. Greenpeace a, par le passé, fait partie d’ententes controversées, entre autres l’Entente sur la forêt boréale. Cette entente réunissait 21 entreprises membres de l’Association des produits forestiers du Canada et neuf organisations environnementales. C’est une entente qui perpétuait des pratiques colonialistes en tenant à distance les communautés autochtones directement touchées. Ce furent des négociations tenues en secret, jusqu’à ce que certains termes de l’entente soient dévoilés : les organisations environnementales, dont Greenpeace, devaient respecter comme condition de retirer toute critique sur les pratiques des entreprises inclues dans l’entente, tout comme elles devaient arrêter tout type de protestations les concernant. Cette entente qui était supposée viser la protection des forêts n’a en fait que donné un répit aux compagnies forestières qui n’avaient plus à gérer les manifestants sur leurs milieux de production. Greenpeace s’est finalement retirée de l’entente, se retrouvant avec des militantes et des militants qu’après avoir démobilisés, GP a dû remobiliser contre les entreprises avec qui elle collaborait peu de temps avant. Finalement, Greenpeace est depuis longtemps devenue une entreprise où, à la place de garder des employés syndiqués, on sous-traite, surtout en ce qui a rapport à la quête de dons et de membres. L’emphase est de plus en plus mise sur le gain de membres fidèles et payants. De plus, Greenpeace est un organisme qui secondarise la lutte et qui collabore avec l’État et la police dans ses actions et ses manifestations. À chaque année, le Jour de la Terre n’est plus qu’une parade et, cette année particulièrement, la manifestation du 11 avril se fera en collaboration avec la police avec une volonté ferme de ne pas aborder des questions en lien avec l’austérité. C’est d’ailleurs un choix qui démontre bien que Greenpeace contribue au « capitalisme vert ». Ce n’est pas parce que des entreprises capitalistes prennent des mesures soi-disant vertes qu’il n’y a pas d’exploitation, d’autant plus que le capitalisme implique une surproduction et, pour cette raison, ne peut pas s’inscrire dans une perspective verte. Patrick Moore et Greenpeace ne collaborent peut-être plus, mais on ne peut pas dire qu’ils ne vont pas dans la même direction.