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Compte rendu de la lutte en solidarité avec les kahnistensera contre le projet New Vic de McGill

  1. Accueil
ven, 11/18/2022 - 16:09 Écrit par edgy

À travers cette lutte en solidarité, c'est devenu évident qu'en tant que
communauté radicale, on se doit de se tenir en solidarité avec les
kanien'kehá:ka kahnistensera.

Parce que ces militantes traditionalistes de Kahnawa:ke se battent
depuis les cinquantes dernières années pour défendre la souveraineté de
leur peuple.

Parce qu'elles font partie du peu de personnes Mohawks qui tiennent
encore dur comme fer à leur mode de gouvernance pré-invasion coloniale,
qui s'appelle la Grande loi de la Paix.

Parce que ce code organise la confédération Haudenausaunee comme ce que
nous interpréterions comme du fédéralisme libertaire, où toute les
décisions sont prises à petite échelle par consensus avant d'être
amenées à un niveau supérieur : de la famille au clan, du clan à la
communauté, de la communauté à la Nation, de la Nation à la
Confédération.

Parce que dans la Grande Loi, les femmes sont considérées comme les
progénitrices de la nation, et sont donc responsables de s'assurer de la
protection du territoire et des enfants (autant du passé, du présent et
à naître).

Parce qu'en tant que colons et anarchistes, nous avons également nos
propres raisons de supporter les communautés autochtones dans leur
bataille contre l'État qui les prive de leur relation avec leur mère, le
territoire, la terre.

Les kahnistensera poursuivent actuellement en justice l’université
McGill, la ville de Montréal et les gouvernements du Québec et du Canada
pour faire cesser les travaux de rénovation du projet New Vic sur les
terrains du Allan Memorial Institute et de l'hôpital Royal Victoria. Ces
institutions ont été le lieu d'expériences de tortures menées dans le
cadre du programme [MK-Ultra](https://en.wikipedia.org/wiki/MKUltra) des
années (1950 - 1960). Le Allan Memorial Institute et l’hôpital Royal
Victoria étaient tous les deux impliqués dans ce programme. Il y a
d'importants soupçons que des enfants autochtones (ainsi que des
orphelins de Duplessis et autres personnes marginalisées) y seraient
décédé.es et auraient été enterré.es sur le site de manière anonyme et
McGill a minimisé cette terrible histoire en procédant à des fouilles.
En tant que traditionalistes, les Mères ont une position bien différente
du conseil de bande de leur communauté qui est soutenu par le
gouvernement, et qui ne leur offre aucun soutien pour cette action en
justice ou pour la lutte générale.

Dans le cadre de la poursuite, elles demandaient d'abord une injonction
interlocutoire pour faire arrêter les travaux de rénovation du Royal
Victoria qui risquent de détruire à jamais les preuves de ces atrocités,
en plus de potentiellement détruire les traces archéologiques d'un très
important village Kanien'kehá:ka qui se trouvait exactement à l'endroit
du Royal Vic avant l'arrivée des français sur l'île. Le 27 octobre 2022,
contre toutes attentes, la cour Supérieure du Québec s'est prononcée en
leur faveur et accorda une injonction forçant l'arrêt des travaux de
rénovation. L’université McGill est maintenant forcé de s'asseoir avec
elles pour établir un plan pour des fouilles archéologiques complètes et
non-intrusives du site.

Depuis le début de leur poursuite contre l’université McGill, elles ont
fait énormément de mobilisation dans la conférédation Haudenausaunee,
mais également dans les milieux radicaux de Montréal : une présentation
pendant l'occupation du pavillion des arts de McGill, une présentation à
l'Achoppe au printemps derniers, une présentation au salon du livre
anarchiste cet été, et probablement beaucoup d'autres événement dont je
ne suis pas au courant. Dans les derniers mois, des rumeurs ont commencé
à circuler comme quoi l’université McGill allait de l'avant avec
l'excavation sans attendre l'audience prévue pour l'injonction
interlocutoire. En septembre, McGill annonçait que les travaux
d'excavation auraient lieu début du mois d’octobre, alors que le procès
était prévu pour le 26 octobre. C’est ce qui a été l'élément déclencheur
de la campagne « Stop the New Vic », les gens voulant trouver une
manière de retarder les travaux d'excavation au moins jusqu'au moment du
procès, en espérant que les Mothers obtiendraient l'injonction. Nous
n'étions pas particulièrement optimiste quant à la possibilité d'un
jugement qui leur serait favorable, mais si les travaux allaient avoir
lieux avant même qu'elles aient eu la chance de défendre leur cas, nous
allions tenter de les faire cesser.

Au début du mois d'octobre, une rencontre de mobilisation a été appelée,
où il y avait une bonne trentaine de personnes motivées à s'impliquer
dans une occupation du terrain du Hersey Building du Royal Vic, là où
aurait lieu l'excavation.

Semaine du 10 octobre, deux semaines avant l’audience
Le 10 octobre, « Columbus Day » aux soi-disant États-Unis et l'Action de
Grâce au Canada est considéré par beaucoup d’autochtones sur l’île de la
Tortue comme le « Indigenous People's Day of Rage ». Ce soir-là, sur le
site prévu de l’excavation des personnes sont allées [installer un
campement] (https://mtlcounterinfo.org/stop-the-new-vic-renovation/) et
certaines y ont passé la nuit.

Le lendemain matin, très rapidement, la police a été appelée. Les
militant.es au campement ont essayé de retarder la police le plus
longtemps possible. Iels ont fini par jouer au chat et à la souris sur
le Mont-Royal avec des flics qui étaient de plus en plus en crisse. Les
policiers criaient à tout le monde que la prochaine fois qu'ils les
croisaient, iels se faisaient arrêter, mais pour autant que je sache il
n’y eu aucune arrestation. L'après-midi même, une quinzaine de personnes
ont réussi à se retrouver pour évaluer les possibilités d'actions.
L'énergie était encore très bonne et les gens se sont toute de suite mis
à planifier la suite.

Au cours de cette semaine là, des groupes affinitaires sont allés
plusieurs fois à chaque jour sur le site pour ralentir les travaux. Les
bureaux de la [firme
archéologique](https://mtlcounterinfo.org/arkeos-drop-the-mcgill-contract-now/)
ont aussi été attaqués. Cette action fut l'objet d'un
[communiqué](https://mohawknationnews.com/blog/2022/10/16/important-notice-regarding-...)
de la part des Mohawk Mothers, qui se retrouvaient accusées par leurs
opposants juridiques :

« We are being held accountable legally of all such actions at this
time, as the opponents are trying to construe us as criminals before the
Judge with less than two weeks remaining before the hearing at the court
on October 26, 2022 »

Aux militant.es qui avaient organisé cette action, les Mohawk Mothers
ont adressé cette remarque :

« We greatly appreciate tokens of solidarity and demonstrations, but we
ask you to be mindful of the dire legal repercussions for us, and the
high risk of jeopardizing all the work we have invested for more than
one year to obtain an injunction, which could be ruined, as well as the
hope of our families to know the truth and get justice ».

Quant à Arkéos, interrogé par un journaliste sentimentaliste de [La
presse](https://www.lapresse.ca/actualites/grand-montreal/2022-10-21/transformat...),
le patron de la firme affirmait « On ne veut pas que [les ouvriers]
creusent sans qu’il y ait d’archéologues. Ce serait vraiment une
perte », sous entendant que les travaux de rénovation auraient lieux
avec ou sans la présence d'archéologues, et exposant ainsi davantage la
stratégie de «rubberstamping» de McGill, qui fait affaire avec des
archéologues dans le seul but de donner de la légitimité à son projet
colonial.

Semaine du 17 octobre, une semaine avant l’audience
Le lundi suivant une vigile de treize personnes avec des chandelles a
aussi réussi à ralentir les travaux. Les flics étaient tellement sur les
nerfs à cause de la semaine précédente qu'ils étaient plus nombreux que
les manifestant.es. Armés jusqu'aux dents, ils bloquaient la porte
d’entrée, ce qui a drôlement fait chier les travailleur.es de la firme
d'archéologie mais aussi les employé.es de l'hôpital. Comparés à la
foule très tranquille de la vigile, les flics ont eu l'air de [monstres
hyper-agressifs](https://nitter.it/i/status/1583496074437664769)

Dans la nuit de jeudi à vendredi, une « intervention artistique » a eu
lieu : des tombes, des vêtements et des souliers d'enfants ont été
disposés sur le site de l'excavation pour souligner la violence associée
au fait de [creuser et donc de
déranger](https://mtlcounterinfo.org/commemorating-unmarked-graves-when-mcgill-wont/)
les potentielles tombes anonymes.

Semaine du 24 octobre, semaine de l’audience
La semaine de préparation au procès, les gens de Divest Mcgill ont
travaillé extrêmement fort à l'organisation de trois événements de
mobilisation :

Lundi : Journée de teach-in et de tractage sur le campus de l’université
McGill,

Mardi : Projection du film « Kahnesatà:ke, 270 ans de résistance »,

Mercredi : Rassemblement devant le palais de justice pour la première
journée en cour.

L'audience
Le mercredi 26 octobre, l'énergie au palais de justice était électrique.
La salle d’audience était trop petite pour accueillir toutes les
personnes qui voulaient assister au procès. Des jeunes étaient assis.es
à terre, les camarades dehors faisaient de la mobilisation, il y avait
de la bouffe pour une armée. Tout le monde qui était au rassemblement et
à l’intérieur ont mangé la bouffe collective, même les Mothers!

Jeudi, l'énergie n’était pas assez élevée pour refaire le rassemblement
dehors, mais les camarade ont fait et amené une vingtaine de portions de
bouffe pour nourrir les Mothers et les personnes qui les appuyaient au
procès. On m'a raconté que cela a mené à une scène très cocasse où une
vingtaine de personnes mangeaient assises par terre dans un corridor du
palais de justice parce que la cafétéria du palais de justice
n’acceptait pas les gens qui avaient leur propre lunch.

Jeudi soir, le jugement a été rendu : considérant que le cas était
vraisemblablement d'intérêt public, le juge avait le devoir de rendre un
jugement immédiat devant les gens, et pas seulement de l'écrire et de
l'envoyer aux parties. Il a ordonné une injonction interlocutoire de 3-4
mois jusqu'à la prochaine date d'audience. Pendant ce temps là,
l’université McGill doit s'asseoir avec les Mothers et établir un plan
pour des fouilles archéologiques qui leurs conviendraient. Cela veut
dire que les travaux de rénovation sont stoppés jusqu'à la fin de
l'injonction!

Une victoire historique
Sans aucun doute, ce procès fera l'histoire. Pour la première fois
depuis ses débuts, la cour supérieure a accepté qu'un collectif de
personnes autochtones s’auto-représente. C'était vraiment important pour
les Mothers de le faire de cette manière, par souci d'autodétermination,
et aussi pour rester en cohérence avec la Grande loi. Le juge n’avait
aucune raison d'ordonner une injonction : après tout, jeudi midi
l'avocat de l’université McGill avait annoncé que les fouilles étaient
terminées et que rien n'avait été trouvé. En plus, tous les avocat.es de
la défense ont plaidé que les procédures légales présentes étaient
adéquates et que s'addresser à la cour supérieure du Québec ne l'était
pas. Dans son jugement à l'oral, le juge a reconnu que de renvoyer les
Mothers dans le vortex légal de l'État ne serait pas bénéfique à la
réconciliation avec les communautés autochtones.

En fait, c'est la première fois qu'un tribunal reconnaît que les
horreurs des pensionnats ont aussi eu lieu dans le système de santé
régulier, ce qui est une énorme avancée en terme de reconnaissance du
génocide. D'ailleurs, et ce en même temps que le procès des Mothers,
l'assemblée nationale a finalement reconnu que les pensionnats étaient
un outil génocidaire. Et donc, avec ce jugement obtenu par les Mothers,
les hôpitaux blancs devraient bientôt pouvoir être reconnus comme des
outils génocidaires à l'égard des peuples autochtones.

Un autre gain vraiment majeur : les Mohawk Mothers ont réussi à asseoir
leur légitimité sur le fait qu'elles sont traditionalistes, donc
directement en opposition avec le conseil de bande. Le jugement du 27
octobre vient renforcer le fait que les conseils de bande sont des
institutions coloniales (des "federal boards") et que leur consultation
ne peut en aucun cas être confondue avec le consentement d'une nation.
Elles ont réussi à imposer leur légitimité avec la force de leurs lois,
de leur caractère, leur courage, et le soutien qu'elles ont su trouver
auprès de leur communauté, de colons anarchistes et de la gauche
radicale.

Finalement, le juge a particulièrement insisté sur le fait que les
traumas associés aux tombes non marquées correspondait à des « dommages
irréparables », c'est à dire que les dommages ne peuvent pas être
compensés par des montants d’argent. C'est pourquoi il a décidé
d'imposer l'injonction même si elle était pas nécessaire considérant que
McGill avait supposément terminé les fouilles. Il considérait que les
inconvénients associés au délai pour McGill ne faisaient pas le poids
face au trauma et à la perte de confiance envers le système de justice
qu'aurait pu entraîner le refus de l'injonction. Il a dit une phrase
vraiment marquante que je vais essayer de reformuler de mémoire:

« Depuis deux jours, vous regardez tous vers l'avant de la salle. De
l'endroit où je suis, je regarde dans la direction opposée, et j'ai bien
vu depuis deux jours que la douleur et les émotions associées au fait de
déranger des tombes ananymes n’affecte pas uniquement les kahnistensera.
Depuis deux jours, j'ai vu les réactions émotives des gens dans
l'assistance en direct, et je ne peux pas ignorer ça. »

Ça m'a vraiment surpris.e qu'un juge base son jugement sur des
perceptions émotives, d'autant plus des émotions provenant de
l'audience. Je veux dire, les témoignages des Mothers et tout le
contexte historique qui a été abordé pendant le procès était absolument
suffisant pour faire pencher la balance. Mais je pense quand même
sérieusement que le fait que les personnes se soient mobilisées pour
être au palais de justice avec elles a enfoncé le dernier clou.

En tant qu'anarchistes, nous sommes particulièrement méfiant.es face au
système de justice canadien. Ce système ayant été mis en place sur le
territoire pour assurer la colonisation et l'exploitation des
territoires autochtones, le développement du système capitaliste, et la
protection des riches et des puissants, nous ne pouvons nous résoudre à
y faire confiance. C'est pourquoi il est particulièrement important de
nous organiser en dehors de cette institution, directement sur le
terrain et dans nos millieux. Soyons prêt.es à répondre quand le système
juridique aura atteint sa limite. Soyons prêt.es à répondre quand il
aura démontré que son principal rôle demeure la pacification et la
récupération, même si de temps à autre, dans certains contextes très
particuliers ce dernier flanche sous la pression. Cette lutte n'est pas
terminé. Les Mothers sont encore en cour, le site de l'ancien hopital
Royal Vic est encore menacé de devenir un pavillon de green washing au
service de McGill et de l'État, bref on a encore énormément de pain sur
la planche.

Merci infiniment à toutes les personnes qui ont donné même juste une
heure de leurs temps à cette lutte dans les dernières semaines, tout ça
ne serait jamais arrivé sans tout le soutien qu'on a reçu. Je suis
particulièrement reconnaissant.e de la façon dont nous avons pu, en tant
que camarades, prendre soin les un.es des autres en redistribuant nos
ressources, en faisant des bouffes collectives et en solidifiant nos
relations. Je me sens légèr.e, optimiste, et absolument prêt.e pour la
suite des choses.

Un.e camarade anarchiste

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Cette série de podcasts vise la diffusion d’informations relatives à l’abolition de la police et des prisons et à la justice, en abordant sous la forme d'entrevue avec des activistes des thématiques telles que l'emprisonnement des migrant.e.s, la criminalisation de la dissidence et la justice transformatrice.



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