Les chars, ça fait qu’on paye pour les riches!

On le sait, les autos, ça pue, ça pollue et ça tue. Nos villes seraient beaucoup moins polluantes si les autos étaient remplacées par un système de transport public gratuit et efficace, de même que des encouragements pour le transport actif. Ce texte se veut un bref tour d’horizon de ce que ça représente pour les pas si riches.

D’abord, pour chaque automobile, il est nécessaire d’avoir quatre espaces de stationnement reliés. Ça semble exagéré, mais regardez les espaces aménagés autour des autoroutes et vous verrez à quel point l’asphalte est maître. La même chose se produit le jour où les automobiles partent des quartiers résidentiels vers les quartiers d’affaires et industriels. Cette situation a une influence sur la trame urbaine: tous nos transports sont un peu plus long à cause qu’il faut quatre fois plus d’espace pour les automobiles. De plus, les vignettes fournies par la ville ne couvrent qu’une fraction du coût d’entretien et du déneigement des routes. Ces mêmes frais se transfèrent sur les infrastructures comme les conduites d’eau, les égouts et les fils électriques, qui se doivent d’être autant plus longs pour accommoder cette dispersion. Ces coûts élevés se retrouvent à être passés aux locataires qui s’empilent dans les quartiers les plus denses, alors que les infrastructures automobiles ne bénéficient qu’à une minorité.

Ensuite, c’est la même chose pour les routes. Elles ne sont pas réfléchies pour un usage moyen, mais plutôt pour les goulots d’étranglement, comme aux heures de pointes. On a un réseau routier démesuré puisqu’une minorité riche décide de se trimballer dans les rues du centre-ville en exposant leurs rutilantes bagnoles. Or, allez dans Ville Mont-Royal, dans Westmount, ou dans les secteurs riches d’Outremont: les mesures de contrôle du trafic automobile sont partout, les routes sont conçues pour empêcher les gens de traverser ces quartiers cossus. Même que selon les statistiques de la ville, les trois quartiers qui utilisent le plus le transport en commun sont les quartiers les mieux desservis en autoroutes: le Sud-ouest, Villeray-Parc-Ex- St-Michel et Notre-Dame de Grace. Ainsi, ce sont les quartier pauvres qui subissent les klaxons et la pollution, puisque personne ne les défend quand vient le temps de faire passer une autoroute ou un centre de transbordement de containers, comme c’est le cas au terrain vague d’Hochelaga. On a hâte au jour où on installera un incinérateur à Westmount.

Cette logique est en croissance: les chars sont plus nombreux, mais aussi plus gros. Cette situation ne tient qu’à un calcul effectué par les riches qui, lorsqu’ils acquièrent un véhicule, pensent au pire scénario. Il s’agit du cas particulier où il a rénové sa salle de bain et qu’il a dû transporter des matériaux de construction il y a dix ans: «heureusement qu’il n’avait pas une Tercel». Cette logique d’acquisition de véhicules est ce qui mène à une croissance de la taille des véhicules sur les routes. C’est aussi ce qui pose problème pour le trafic: alors que la vaste majorité de la population est seule dans son véhicule, une automobile utilise le même espace que dix piétons, ou cinq cyclistes. Ou encore, trois automobiles utilisent le même espace qu’un autobus qui pourrait transporter 40 personnes.

Pour lutter contre les changements climatiques, on propose les voitures électriques. Pour être clair, une automobile électrique est moins pire qu’une auto conventionnelle1, mais le problème dépasse la «simple» question des changements climatiques. Le problème des voitures réside dans le poids et dans l’espace pour le transport d’une seule personne: on n’a pas besoin de transporter une tonne de tôle à chaque déplacement. Toutefois, et c’est là le problème, la forte disponibilité des voitures amène une organisation de la ville en fonction de leur besoins, comme les routes et le stationnement mentionnés plus haut. Mais de plus, les automobiles créent des zones d’exclusions, où il devient nécessaire d’avoir une auto pour accéder à des espaces ou à des emplois dans des zones isolées. Une fois la voiture achetée, aussi bien s’en servir. La même chose se produit dans le transport interurbain, si bien que les autoroutes, les fins de semaine, sont bloquées en sortant de Montréal le vendredi et en revenant le dimanche, puisqu’il n’y a pas de façon facile d’accéder à la nature2 sans voiture.

Les coûts de santé (accidents, pollution de l’air, etc) et les pertes de productivité liées aux embouteillages démontrent depuis des années que le modèle automobile est plus cher que les coûts minimes associés à la mise en place de transport collectif et actif. L’important, ce n’est pas de se rendre du point A au point B, c’est de créer de la richesse au point C en passant, loin de celleux pogné·e·s dans le trafic. C’est ce qu’ils ont fait après la crises de 2008 en donnant des milliards à GM et Chrysler en 20093, c’est ce qu’ils font encore avec la C-Series de Bombardier. L’État n’est pas un bon père de famille qui gère un budget de manière rationnelle. Le gaspillage est lié à la croissance économique. Face à la menace d’une génération qui se transporterait mieux, les gouvernements tentent de sauver la croissance en subventionnant les F-150 électriques.

Bref, en transport comme ailleurs, les vraies solutions ne sont pas du côté du gouvernement ou des entreprises. Elles sont dans les ateliers de vélos communautaires. Elles sont dans les luttes pour l’accessibilité des stations du métro de Montréal. Elles sont dans la confrontation des autorités politiques pour avoir des infrastructures adéquates. Elles sont pour sortir les chars des quartiers pauvres. Elles sont dans les luttes pour avoir un accès à la nature.

 

Notes:

1. Dans notre contexte précis où l’électricité est « propre », puisque cette définition ne tient compte que des émissions de CO2 et non de la destruction environnementale causée pour les barrages hydro-électrique, des effets négatifs sur les populations autochtones de l’invasion de leur territoire et la perturbation des écosystèmes dont iels dépendent.

2. Évidemment, la « nature » n’existe pas, il s’agit d’une conception qui s’est construit au fil de l’évolution de l’environnement urbain. Quand même, il est important de pouvoir sortir de Montréal, de pouvoir passer du temps près des lacs, des arbres et des rivières.

3. https://www.cbc.ca/news/politics/loans-canada-account-finance-auto-secto...