Marc Parent et le SPVM, la matraque au service de la crosse

Alors que Marc Parent a annoncé son départ d’à la tête du SPVM, on peut bien se demander s'ils vont trouver mieux ou pire. On sait d'avance que ce sera un flic bien au fait de la culture interne raciste et sexiste, alors on ne s'attend pas à grand-chose. En tant que manifestants et manifestantes, nous voyons que la police abuse de plus en plus, mais il est impossible de savoir qui décide. Nous avons essayé de comprendre quelles sont les origines des fluctuations de la répression subie à Montréal. Habituellement, on part d'un crosseur, on creuse un peu, et on trouve facilement des pistes entre le public et le privé, des passe-droits et des entourloupes. Mais dans le cas de Marc Parent, il s'agit juste d'une figure publique qui justifie l'injustifiable en disant toujours qu'il y aura des enquêtes internes... La suite montrera que, depuis 10 ans qu'on nous dit qu'il y aura des enquêtes de policiers sur des policiers, la violence continue de grandir comme un cancer dans leur organisation, si bien que l'euthanasie soit à prioriser sur les ablations.

Une répression toujours politique

En 2005, une étude de Patrick Rafail avait été faite sur les comportements des policiers dans les manifestations, à partir de sources médiatiques, et avait établi que plus une manifestation avait un discours radical, plus ses participant-e-s étaient à risque de subir des arrestations. Dans la même étude, on constatait que les bris matériels n'étaient pas statistiquement liés à la probabilité d'arrestation. Dans la même veine, on se rappelle que plus de 86 groupes ont signé la déclaration contre P-6, et tout porte à croire que ces organisations ne donnent pas leur trajet aux policiers. Les différences dans l'application du règlement crèvent les yeux, selon qu'il s'agit de manifestations de groupes communautaires ou de celles organisées par le mouvement étudiant ou le COBP.

Finalement, dans le cas des manifestations annuelles du 15 mars et du 1er mai, le service de police les a déclarées illégales avant même leur départ à cause des arrestations effectuées les années précédentes. Toutefois, ces données sur les arrestations sont en soi teintées de l'opinion du SPVM: à la veille du 1er mai 2015, une seule des accusations n'avait pas été abandonnée ou retirée par la Cour. Ainsi, des 584 constats d'infraction remis, un seul est toujours en dispute, et sera probablement abandonné lui aussi. Donc, les manifestations sont illégales parce que les policiers les répriment, et les policiers répriment les manifestations sous prétexte qu'elles sont illégales.

Le règne Parent

Peut-être qu'en utilisant les données du SPVM, on pourrait noter des changements depuis l'arrivée de Marc Parent comme chef en 2010?
Chaque année, le SPVM produit un rapport annuel qui comporte entre autres plusieurs statistiques, dont l'utilisation du poivre de Cayenne, les constats d'infraction distribués, etc. On reconnaît assez facilement ici la grève de 2012 sur le graphique 1. On peut bien voir que nous sommes présentement sur un plateau d'utilisation de poivre de Cayenne (l'aérosol capsique) et d'armes “intermédiaires” (matraques, balles de caoutchouc, gaz lacrymogènes). La même courbe existe avec les plaintes en déontologie, qui, elles, sont revenues à un niveau pré-2012. Ces données sont quelque peu discutables puisqu'elles sont produites par le service de police lui-même, mais montrent une tendance générale vers une augmentation de l'utilisation de techniques pour le moins brutales.


Graphique 1: Servir et protéger ?

Le plateau d’utilisation d’armes “intermédiaires” de 2009 et 2010 présent sur le graphique 1 n'est pas visible sur le graphique 2, qui montre le nombre de service d’ordre réalisé. Ils ont donc augmenté leur utilisation de matraque et de poivre avant la recrudescence des manifestations survenue en 2012. De plus, on peut voir qu'avant 2011, les policiers encadraient en moyenne 800 manifestations, festivals, parades, et que, depuis 2012, ils ont trouvé 300 nouveaux événements différents à couvrir à chaque année. Cela correspond à l'observation empirique d'une plus grande surveillance des manifestations par la police.


Graphique 2: Nombre de services d'ordre effectués par le SPVM

On pourrait aller beaucoup plus loin avec ces données ; notamment, le nombre de constats d'infraction automobiles et piétonniers remis par les policiers en 2013 ont drastiquement augmenté, comme si les policiers engagés pour la grève n'avaient rien de mieux à faire l'année suivante.

La force institutionnelle

Il est clair que les policiers ont une grande autonomie, pour ne pas dire une complète impunité. S'ils peuvent tuer des gens sans se faire renvoyer (comme entre autres Jean-Lou Lapointe), il semble réaliste de prendre pour acquis qu’ils peuvent modifier leurs assignations pour satisfaire leurs besoins. Par exemple, les policiers bénéficient directement des heures supplémentaires que fournissent les manifestations. Dans les 10 dernières années, la masse salariale du SPVM a augmenté de 62%. Les revenus per capita des policiers ont augmenté de 50% par employé, ce qui correspond à 2 fois et demie l'augmentation de l'indice des prix à la consommation sur la même période. Il s'agit probablement de la catégorie d'emploi ayant subi les meilleures améliorations salariales sur cette période, pendant laquelle ils essaient de faire taire les syndiqué-e-s qui ne demandent que d'avoir mieux qu'un gel de salaire.

C'est particulièrement problématique puisque la culture interne du SPVM semble mépriser les manifestant-e-s. Puisqu'ils sont systématiquement en situation de confrontation,ils ne voient que des «manifestants violents», alors ils se livrent à des attaques de plus en plus gratuites, ce qui rend la population plus agressive à leur égard: cercle vicieux.. Depuis leurs rapports d'incidents truffés de mensonges, comme on le voit toujours à la cour, on voit comment leur état-major déploie toujours plus de policiers, ce qui crée toujours plus de violence... Mais même cela n'explique pas les changements brusques que l'on a vus plus haut.

Ainsi, il est clair que la répression est motivée politiquement, mais on ne peut vraiment savoir d'où elle provient, dans les méandres d'un appareil en putréfaction, qui ne possède pas de réelles limites ou contraintes, et qui ne se modifie que pour mieux profiter de notre misère. Plus les gouvernements sont évidemment corrompus, plus ils sont prêts à payer cher leurs policiers; ces derniers bénéficient ainsi d'une marge toujours plus grande pour abuser de leur pouvoir raciste, sexiste et homophobe, pour mieux imposer la loi des riches aux pauvres. Alors peu importe leur chef, c'est toujours la police le problème.

La CLAC