Répression et résistance

En Occident, les manifestations contre les grands sommets officiels ont souvent été brutalement réprimées au fil des dernières années. Il semble que les élites n’apprécient guère que la mise en spectacle de leur puissance soit perturbée par des agitatrices et des agitateurs qui contestent leur légitimité. Mais cette réaction violente ne suffit pas, bien au contraire, à saper la volonté des forces anticapitalistes, anti-impérialistes et antipatriarcales, qui se mobilisent dès que les élites organisent un nouveau sommet. En fait, cette réponse violente à la contestation prouve à elle seule l’arrogance des élites et leur incapacité à recevoir la critique, autant de raisons supplémentaires pour manifester contre ce système brutal et injuste.

Déjà, l’ampleur des mobilisations policières est révélatrice de la volonté des élites de mettre en spectacle leur puissance : 6 000 policiers ont été mobilisés lors du Sommet des Amériques à Québec, en avril 2001, sans compter 500 militaires tenus en réserve à la base de Valcartier ; 16 000 militaires et policiers au Sommet de l’Union européenne, à Thessalonique (2003) ; 12 000 policiers pour le Sommet du G8 en Écosse (2005) ; 10 000 policiers français et 14 000 allemands lors du Sommet de l’OTAN à Strasbourg (2009) ; 15 000 policiers au Sommet du G8 en Italie (2009). Au final, il s’agit de milliards de dollars de fonds publics gaspillés dans ce déploiement répressif policier.

Le gouvernement canadien a annoncé qu’il y aurait 10 000 policiers sur le pied de guerre à l’occasion des sommets du G8 et du G20, à Toronto, à la fin du mois de juin 2010. Mais s’il n’y avait que la mobilisation policière...

Voici un survol de quelques manifestations frappées par des arrestations de masse, lors des dernières années :

• 603 arrestations à Seattle en 1999 (Conférence de l’Organisation mondiale du commerce – OMC) ;
• 859 arrestations à Prague en septembre 2000 (FMI – Banque mondiale) ;
• 481 arrestations à Québec en avril 2001 (Sommet des Amériques) ;
• 539 arrestations à Göteborg en juin 2001 (Sommet de l’Union européenne) ;
• 310 arrestations à Gênes en juin 2001 (Sommet du G8) ;
• 500 arrestations (environ) à Montréal en avril 2002 (réunion ministérielle du G8) ;
• 1 821 arrestations à New York en août et septembre 2004 (convention du Parti républicain) ;
• 700 arrestations (environ) en Écosse en 2005 (Sommet du G8) ;
• 464 arrestations à Strasbourg en avril 2009 (Sommet de l’OTAN) ;
• 1 200 arrestations lors du Sommet du climat, à Copenhague (2009).

Lors de ces arrestations, les personnes interpellées sont souvent gardées en prison, sans voir d’avocat, plus longtemps que ne le permet la loi ; l’objectif des policiers semble être surtout d’empêcher les personnes arrêtées de retourner manifester. La répression s’expriment aussi par la brutalité des attaques des policiers contre les manifestations : coups de matraques et de bottes, charges à cheval (à Montréal) et en véhicules blindés (à Gênes), tirs de grenades de gaz lacrymogène ou de balles de caoutchouc, utilisation du poivre de Cayenne, jets d’eau, tirs de balles réelles (Göteborg et Gênes en 2001).

Les policiers sont souvent pris d’étranges obsessions. À Vancouver, avant le Sommet de l’Asian Pacific Economic Cooperation en novembre 1997, ils ont arrêté des manifestants qui brandissaient des affiches sur lesquelles on pouvait lire : «Démocratie», «Droits humains» et… «Liberté d’expression». À Strasbourg, avant le Sommet de l’OTAN en 2009, des policiers ont menacé d’arrêter des résidentes et résidents qui avaient suspendu à leur balcon un drapeau frappé du slogan «Paix».

Les policiers et les autorités pratiquent aussi l’intimidation, n’hésitant pas par exemple à visiter des activistes dans les semaines avant les grandes mobilisations. Au Québec, des agents du Service canadien de renseignement et de sécurité (SCRS) ont ainsi visité en 2010 des militantes et militants avant le passage de la flamme olympique, cherchant à connaître ce qui se tramait pour perturber cette cérémonie (devant des agents du SCRS, vous n’avez aucune obligation de parler, ni même de les laisser entrer dans votre domicile).

Les policiers peuvent aussi infiltrer les groupes militants, voire pratiquer la provocation : des semaines avant le Sommet des Amériques en 2001, le groupe Germinal s’était fait infiltré par deux agents de la Gendarmerie royale du Canada (GRC) qui avaient fourni du matériel militaire inoffensif (grenades fumigènes). Des activistes du collectif ont été arrêtés 24 heures avant le début du Sommet et se sont vus condamnés à de lourdes peines.

Dans certains pays, les lois antiterroristes sont utilisées pour pratiquer des contrôles abusifs et des arrestations arbitraires en pleine rue et dans les espaces publics. En 2009, en Grande-Bretagne, les policiers ont effectué pas moins de 256 000 contrôles doublés d’arrestations temporaires, en vertu de la Loi antiterroriste, ce qui représente 700 interpellations par jour. Résultat : ils n’ont pris ainsi aucun «terroriste», mais ont réussi à neutraliser plusieurs personnes qui se rendaient à des manifestations, dont des rassemblements pour la paix.


Résistance

Cela dit, la contestation contre les élites politiques, économiques et militaires reste dynamique, puisque les mobilisations se poursuivent en dépit de cette vague répressive. Malgré l’annonce du déploiement de milliers de policiers pour protéger les sommets de l’élite, des dizaines de milliers de manifestantes et de manifestants descendent dans la rue, et plusieurs n’hésitent pas à se confronter aux policiers qui ont fait le choix de prendre le parti des puissants contre le peuple et les pauvres. La résistance s’organise aussi contre la répression. À chaque sommet, des comités de soutien juridique sont mis sur pied. Après Seattle, les personnes arrêtées ont remporté leur recours collectif et reçu un dédommagement financier. Après Gênes, des policiers ont été reconnus coupables de mauvais traitement des prisonnières et prisonniers. Dans plusieurs cas d’arrestations de masse, les juges infligent des peines finalement minimes aux activistes, ou rendent un verdict de non culpabilité.

Dans tous les cas, il est possible de prendre certaines précautions pour réduire les risques d’arrestation en manifestation. Ainsi, il est prudent de choisir des vêtements et des chaussures confortables, qui permettent de courir (éviter les chaussures neuves, les talons aiguilles, les sandales). Il faut être conscient que tout ce qui pourrait être considéré comme une arme (canif ou petit couteau) ou de la drogue saisie sur vous peut aggraver votre situation devant un juge. Il est toujours préférable d’être avec des gens de confiance, que l’on connaît, avec qui on arrive à la manifestation et avec qui on quitte les lieux après l’événement.

En cas d’arrestation, ne dites rien de plus que votre nom, votre âge et votre adresse; pour le reste, gardez le silence, en attendant de parler à une avocate ou un avocat. Et n’oubliez pas que pendant que vous êtes momentanément sous le pouvoir de la police, vos camarades continuent la lutte, en attendant que vous les rejoigniez.


Collectif opposé à la brutalité policière (COBP)