Pot-pourri anticapitaliste du temps des Fêtes

Bien que le crossage capitaliste soit perpétuellement de saison, la période « des fêtes » est sans doute la saison préférée des crosseurs de tous acabits. Tandis qu’on nous assomme des rengaines éculées sur l’amour du prochain et qu’on ressort les bacs de banques alimentaires au sortir des épiceries, le gouvernement tronçonne, les banques se félicitent de leurs profits faramineux, les relationnistes manipulent l’opinion… et les taux de suicide augmentent. Voici donc cloué sur l’âtre du Couac un bas de Noël bigarré, bien fourré de tromperies éhontées et de farces plates aux dépens des pauvres et des excluEs. D’abord, la « Bonne Nouvelle Oxfam ». On savait déjà que la valeur en dollars des 85 personnes les plus riches au monde est équivalente à celle des 3,5 milliards d’humains les plus pauvres. Il semblerait maintenant que ces 85 milliardaires aient vu leur revenu augmenter de 668 millions de dollars par jour entre mars 2013 et mars 2014. Le capital ne chôme manifestement pas.


Parlant de chômage, malgré sa promesse électorale maintes fois répétée de créer 250 000 emplois au Québec, le Parti libéral (officiellement le « véhicule politique favori des corrupteurs ») se trouve plutôt devant un bilan négatif, avec 30 000 emplois perdus dans la dernière année. Heureusement pour lui, l’ex-ministre libéral des Finances, Raymond Bachand, n’a pas longtemps souffert de la crise de l’emploi, puisqu’il s’est récemment enregistré comme lobbyiste pour le compte de Bombardier, en plus de sa job steady comme conseiller stratégique dans un bureau d’avocats et de son sideline comme président du C.A. de Tourisme Montréal. Ses nouvelles fonctions consisteront essentiellement à payer des lunchs à ses « anciens » collègues, peut-être au club 357c, pour parler de crédits d’impôts aux entreprises.


Mais trêve d’apitoiement, le nouveau gouverneur de la Banque centrale du Canada, Stephen Poloz (dont le salaire se situe quelque part entre 431 800 $ et 507 900 $ selon la Presse canadienne), a la solution au fléau du chômage. Il suggère tout bêtement aux jeunes chômeurs canadiens de travailler gratos dans « leur domaine » en attendant que le marché du travail se rétablisse… d’ici deux ans. Gros max. « Nous sommes confiants que ce ne sera pas très long », précise-t-il. M. Poloz n’a toutefois pas expliqué comment tous ces dynamiques bénévoles étaient censés se nourrir et se loger d’ici à ce que l’économie « se redresse ».


Pragmatique, la CLAC suggère plutôt aux jeunes de se faire engager comme troll à la pièce au service de l’industrie pétrolière. Le divertissant plan stratégique concocté par le géant des relations publiques Edelman pour le compte de la pétrolière TransCanada propose des tarifs allant de 4,50 $ à 7,75 $ pour commenter à gauche et à droite en faveur du projet de pipeline Énergie Est. Ça a l’air de rien, comme ça, mais 200 000 jeunes désœuvrés payés 4,50 $/pièce pour dire de la marde sur les zinternets, y a là de quoi relancer l’économie canadienne en un rien de temps.


Faut foncer dans la vie. Prenez exemple de la débrouillarde Erin Jacobson, du NPD, qui quelques jours seulement après avoir quitté son poste de directrice adjointe des communications dans la garde rapprochée de Thomas Mulcair, se faisait engager par la susnommée Edelman comme principale responsable du programme canadien du groupe de travail sur Énergie Est.


Faque, l’heure est à la fête. Quoi de mieux, pour oublier la morosité ambiante, que de faire les magasins pour offrir à nos êtres chers les innombrables cossins et services qui rendront peut-être leur vie un peu moins débuzzante, ne serait-ce que le temps d’un congé payé. C’est du moins ce que s’emploie à nous faire croire toute la mécanique capitaliste, alors même que les politiciens traduisent leur exhortation à se « serrer la ceinture » par de brutales compressions et le démantèlement systématique du filet social. Il est bon de se rappeler que le ratio d’endettement des ménages au Canada fluctue autour de 160 % depuis plusieurs années, c’est-à-dire que pour chaque 1 000 $ de revenu, la dette moyenne des ménages s’élève à 1 600 $. Et dire que l’austérité s’impose au nom de l’équilibre budgétaire… En attendant, le pourcentage des personnes ayant recours aux banques alimentaires au Canada a augmenté de 25 % depuis 2008…


Si les éléments de cette revue peuvent sembler quelque peu disparates, son fil rouge n’en est pas moins évident à qui sait lire entre les lignes. Pour la nouvelle année, peut-être devrait-on questionner collectivement la logique défensive qui anime l’actuel mouvement anti-austérité pour chercher à exposer la racine des problèmes évoqués ici. Comme point de départ, il serait sage de se rappeler qu’au-delà des intérêts corporatistes ou sectoriels, et au-delà de la charité désordonnée, la vraie solidarité doit d’abord et avant tout s’exprimer vers le bas, vers celles et ceux qui n’ont jamais eu la chance –et n’ont encore aujourd’hui aucune perspective– de jouir des avantages et privilèges que certains et certaines d’entre-nous tenons pour acquis. Car qu’on le veuille ou non, le vrai changement est toujours venu et viendra toujours d’en bas… Richard Compost, pour la CLAC