Amour et rage dans la forêt humide: Un rapport du blocage à Fairy Creek

20 août 2021 — Rapport et analyse sur le blocage en cours à Fairy Creek contre l’exploitation forestière.

Territoire Pacheedaht non cédé. Soi-disante “Île de Vancouver”, soi-disante “Colombie-Britannique”, soi-disant “Canada”.

 

  • Une année de blocage sans relâche contre l’exploitation forestière, sous invitation du chef héréditaire Victor Peter et de l’aîné Bill Jones.
  • Trois mois d’invasion policière (c’est-à-dire d’«application d’injonctions» pour la société d’exploitation forestière Teal Jones) qui ont donné lieu à plus de 650 arrestations. • Des milliers de personnes qui participent, visitent, démontrent leur support.
  • De nombreuses actions de solidarité menées de toutes parts, et des blocages d’exploitations forestières en cours ailleurs à travers cette province coloniale: la Colombie-Britannique.

Ce mouvement a déjà prouvé sa résilience à maintes reprises. Pourtant, la situation aux blocages semble parfois désastreuse ces derniers temps. Nos cœurs sont lourds, mais notre volonté est forte. En 2021, à Ada’itsx, le Groupe de Réponse Communauté- Industrie (Community Industry Response Group-CIRG) de la GRC a procédé à des arrestations massives et à l’incarcération de défenseur·euse·s du territoire. Alors que de nombreux·ses réformistes considèrent les arrestations massives dans le cadre d’une campagne de désobéissance civile axée sur les médias comme la seule stratégie permettant de remporter une quelconque victoire, le CIRG ne se limite pas à cette pratique. Au contraire, le CIRG mène une guerre à large déploiement sur des terres autochtones non cédées.

Depuis le début de l’invasion de la GRC, les arrestations sont de plus en plus arbitraires, brutales et dangereuses, une tendance qui semble s’être accentuée ces dernières semaines. Alors que la couverture médiatique a gravement diminué et que les journalistes elleux-mêmes ont été brutalisé·e·s, arrêté·e·s ou se sont vu·e·s refuser l’accès, la GRC (portant des symboles suprématistes « ligne bleue » et couvrant leur nom et leur numéro de badge), agissant en toute impunité et au mépris des réprimandes et des décisions des tribunaux, a continué à utiliser des « zones d’exclusion » extrajudiciaires. Ces zones permettent à la GRC d’empêcher l’accès aux médias, de détenir et d’arrêter illégalement des personnes, souvent sans inculpation, et de les relâcher souvent quelques heures plus tard, de manière imprévisible et dans des lieux différents.

En plus de centaines d’arrestations, la GRC a mené des centaines d’opérations violentes, de nature psychologique, sans arrestations. Par exemple: des agents en civil et camouflés font des raids de nuit pour saboter, voler ou détruire l’infrastructure du blocage, de l’équipement, des outils, des abris, des meubles et des articles personnels. Ils profèrent des menaces, allument des lumières, font retentir des sirènes, brandissent des armes, feignent de foncer dans la foule avec leurs véhicules de police, etc.

En effet, les militant·es ne peuvent plus compter sur un scénario d’arrestations «pacifiques». La GRC, qui collabore illégalement avec Teal Jones pour faire respecter l’injonction, est passée de l’utilisation d’excavatrices de manière extrêmement dangereuse pour extraire les gens de trépieds et de barricades dans les tranchées, à l’utilisation de tronçonneuses jusqu’à ce que les gens tombent, à l’ensevelissement des occupant·es des tranchées avec de la terre et du gravier, et à l’utilisation de véhicules pour foncer sur les militant·es. Ceci entraîne des blessures graves pour lesquelles les traitements médicaux sont refusés ou retardés. De plus, de nombreuses personnes se font également refuser accès à la nourriture et à l’eau, sont soumises à une exposition prolongée au soleil et à la chaleur, et sont enfermées dans des véhicules de police garés au soleil jusqu’à ce qu’elles perdent connaissance. Les personnes marginalisées sont généralement la cible des pires brutalités. Un jeune autochtone à qui l’on a refusé l’accès à ses médicaments contre les crises d’épilepsie lors de son arrestation est mort d’une insuffisance cardiaque quelques semaines plus tard. De nombreuses femmes ont également subi des agressions sexuelles commises par des policiers.

Soyons clair·e·s: la non-violence n’existe pas. Les blocages sont une violence économique. Certain·e·s travailleur·euse·s de l’industrie forestière ont perdu leur emploi à cause de ceux- ci. Faire obstruction «pacifiquement» à l’invasion de la GRC pendant trois mois est une violence économique contre l’État. Être battu jusqu’à la moelle par un policier ou un travailleur de l’industrie lors d’une occupation est violent, pour soi-même et pour sa communauté.

Courageusement, certain·e·s défenseur·euses du territoire se libèrent du culte absurde de la non-violence. Certain·e·s résistent à l’arrestation, désarrêtent leurs camarades, poussent la police lorsqu’elle dépasse les lignes de police, se maintiennent en position de blocage et disparaissent dans la forêt avant d’être arrêté·e·s, etc. Stratégiquement, des accès sont verrouillés, d’autres sont libérés, et de plus en plus, la police elle-même est la cible de l’action, qu’il s’agisse d’un verrou clandestin sur la porte de leur enceinte, ou d’un blocage mis en place spécifiquement contre leurs véhicules.

De jeunes radicaux, qui constituent souvent la majorité des participant·e·s du blocage, y compris de nombreux·ses jeunes autochtones, ont vu clair dans les discours «pro-industrie, pro- croissance» et pro-police, et renversent avec éclat la tendance. La résistance inspirée par les blocages d’Ada’itsx vise non seulement l’exploitation forestière, un vestige symbolique de la vieille croissance, mais également les porcs capitalistes, racistes et coloniaux de la GRC.

Les flics sont l’armée, l’industrie, le gouvernement, le prédateur, l’ennemi, et ceci n’est rien de moins qu’une guerre pour notre survie… L’éternelle « guerre dans les bois » de la soi-disant Colombie-Britannique n’est pas seulement une métaphore accrocheuse. Nous nous battons, nous nous défendons pour tenir l’ennemi responsable et, suite à la réalisation que justice ne sera jamais atteinte, nous faisons tout ce qui sera nécessaire pour atteindre la libération.

Nous tenons à exprimer notre admiration pour le blocage d’Ada’itsx… pour ses fortes valeurs anticoloniales, sa créativité ingénieuse, son esprit rebelle, sa mobilisation sans relâche, ses capacités avérées à déjouer les flics et à reprendre le terrain perdu, et son engagement absolu à se battre durement sur le terrain depuis plus d’un an maintenant. Que la lutte continue!

Nous continuons à repousser les ONG environnementales (ONGE) et les politiciens qui infiltrent nos mouvements, ainsi que celleux qui leur permettent de le faire. L’autonomie de la base de ce mouvement est vitale pour sa force et son existence même. Une génération a été perdue à cause de la répression, de l’embourgeoisement, de la transphobie, du nihilisme, de la politique abrutissante des ONGE et des routines de protestation, ainsi que des compromis colossaux des ONGE comme l’accord sur la «Grande forêt pluviale de Bair». Une nouvelle génération de résistance semble se forger sur les lignes de front à Fairy Creek.

Solidarité avec le blocage des Gitxsan... Skoden! Avec les jeunes TliaAda’amon et Homalco qui bloquent Western Forest Products. Avec les Nuxalk de la base qui prennent position pour leur terre, et qui dénoncent l’horrible capitulation qu’est l’accord GBR. Avec le village de Hiladi… Landback, plus de traité ! Avec l’Old Growth Revylution… l’action directe donne satisfaction ! Avec les rebelles qui bloquent la GRC à Castlegar ! Merci.

Pour une diversité de tactiques. Pour une rage sans limite contre l’État colonial. Pour une libération totale.

–Des anarchistes