Retour sur le projet de barrage hydro-électrique de la Romaine

«Énergie propre, renouvelable, fiable et abondante» sont les premiers descriptifs du projet sur la rivière Romaine que publie Hydro-Québec. Sommes-nous étonnés? Non, car à première vue, cette société d’État québécoise présente fièrement ce projet sur leur site, dans une vidéo glorieuse, défilant quelques faits sur le barrage. Elle exprime entre autres que la réalisation du projet se fait en collaboration avec les collectivités locales, que la construction crée plus de 1000 emplois dont 45% des travailleurs sont locaux et que l’empreinte environnementale est réduite. Ce projet de 4 barrages hydro-électriques a démarré en 2009 avec la Romaine-1 et se termine avec la Romaine-4. Si on se fiait uniquement à Hydro-Québec, il serait facile de tomber dans le piège et penser que ce projet est l’avenir pour le financement de notre système d’éducation et de santé. Ce projet est toutefois loin d’être aussi innocent que les «bâtisseurs d’eau de la deuxième moitié du XXe siècle» tentent de le présenter.

Des projets comme la Romaine ont de lourdes conséquences, et ce, sur plusieurs plans. Tout d’abord, les communautés innues ont vu leur territoire pris d’assaut par la société d’État en échange de «compensations monétaires» qu’ils peinent à obtenir. On a pris leur milieu en otage et tel que le mentionne madame Émilie Paquet, journaliste dans Le Journal de Baie- Comeau: “le gouvernement a utilisé leurs problèmes sociaux et financiers pour faire signer les ententes”.1 Hydro-Québec a donc exploité une rivière sur un territoire qui appartenait aux Premières Nations sans se soucier de ces individus. Le plan a été commencé sans concertation, c’est pourquoi des militant·es innu·es ont régulièrement organisé des actions et blocages afin de s’opposer au projet.2 Il ne faut pas oublier aussi tous les impacts environnementaux d’un tel projet. L’harnachement de la rivière et les réservoirs ont amené des conséquences irréversibles sur la faune et la flore en plus d’importantes inondations. Ces dernières ont fait fuir le gibier comme le caribou, ce qui nuit directement aux innu·e·s qui souhaitent continuer de pratiquer leur mode de vie traditionnel, dont la chasse. De plus, les inondations dans les forêts libèrent du mercure, qui est un élément extrêmement neurotoxique pour les humains et les animaux. Cette substance est aussi absorbée par les poissons qui vivent dans ces eaux et les contaminent. C’est un impact environnemental vraiment majeur étant donné que ça nuit à la reproduction du poisson en plus de nuire directement aux humains qui consomment ces poissons. Hydro-Québec refuse malheureusement toujours de reconnaître leur relation avec le mercure dans le sol boréal et ce même élément chimique dans le poisson. Pas surprenant! Ce n’est que quelques exemples parmi tant d’autres des résultats d’une destruction d’un territoire par une société. Ça a été un choix politique et collectif, faiblement critiqué par les blancs, dans une stratégie économique réfléchie et conséquente.

Le but d’Hydro-Québec est de faire un maximum de profit, que ce soit en vendant l’électricité à l’étranger ou ici. Alors que les prix de l’électricité augmentent, il convient de garder en tête que le prix de l’électricité est une taxe régressive, alors que les appartements moins bien isolés coûtent plus cher en chauffage et que ceux-ci sont habituellement habités par les plus démunis, si bien que la part des revenus consacrés au chauffage décroit avec le revenu (ou: plus t’es pauvre, plus tu payes).3 De plus, Hydro-Québec offre même des programmes d’économie d’énergie destinée aux propriétaires de maisons, tels que le programme Novoclimat pour avoir une maison plus isolée à des coûts réduits. Pendant ce temps, on met du plastique dans nos vitres et les propriétaires n’ont aucun avantage à isoler nos logements, sachant très bien qui paye l’électricité. C’est encore une fois les plus nanties qui ont l’avantage des plus démuni·e·s.

C’est dans ce contexte que prennent sens les hausses de tarifs continuelles d’Hydro-Québec. Toutefois, bien que le prix de l’électricité ait augmenté de 20,4% entre 2004 et 2013, il est possible que la hausse des tarifs d’électricité atteigne plus de 5% l’an prochain.4 Dans cette même optique, on critique dans l’ouvrage «Les mauvais coûts d’Hydro-Québec» que les tarifs d’Hydro-Québec pour les grandes entreprises soient moins chers que les tarifs résidentiels.5 Dans les faits, les client·e·s d’Hydro-Québec sont loin d’être égaux et égales par rapport à ses transformations de structure de prix. Le “Maitres chez nous” de 1962 prend tout son sens: on veut créer des maîtres et des possédants aux dépens des communautés autochtones et des plus démuni·e·s. Hydro-Québec est la créature d’un État capitaliste et donc sa visée est la croissance économique, peu importe ceux et celles qui en souffrent.

C’est pourquoi on va de l’avant avec de nouvelles constructions comme le projet dans le nord-est de la Colombie-Britannique qui comprend la construction et l’exploitation d’un barrage hydro-électrique de 1 100 mégawatts sur la rivière de la Paix. C’est le simple résultat d’un système économique capitaliste. Sur le long terme, chaque alternative connue telle que l’énergie solaire, les éoliennes, la biomasse et la géothermie ont plus de bénéfices que l’hydro-électricité.6 Évidemment, toutes ces options ne sont pas sans impacts aucuns, mais elles valent assurément la peine d’être considérées même si elles ne sont pas aussi lucratives. Malgré tout, on continue de voler des terres pour la construction de projets coûteux qui produisent de l’énergie faussement propre. On est prisonnier·ère·s et impuissant·e·s face aux décisions prises en silo d’une élite d’individus politiques qui est menée par une logique économique où le profit à court terme est privilégié. Ça semble fataliste comme vision de l’avenir, mais justement, comment peut-on apprendre de nos erreurs et ne pas reproduire de telles bourdes comme celle de la Romaine-4 où l’on produit à perte de l’électricité7 tout en sabotant l’environnement et les ressources des communautés innues, en passant outre leur souveraineté territoriale et en continuant de fournir énergétiquement de grandes industries extractives à faible coût? Toutefois, le problème n’est pas tant dans la production énergétique que dans son usage.

En effet, il est également incompréhensible qu’on ne se questionne pas plus sur nos besoins de consommation et de production. Il est grand temps de détruire le mythe de l’hydroélectricité «propre» puisqu’au final, cette électricité alimente des entreprises extrêmement polluantes et destructrices. La solution la plus prometteuse pour notre planète semble être une combinaison de plusieurs énergies vertes qui pourraient fournir en électricité ce que les individus consomment, mais d’abord, s’attaquer au système qui priorise les profits au détriment de la santé des écosystème et des communautés. Questionnons-nous à savoir si nous avons réellement besoin de produire autant, sinon plus d’hydro-électricité plutôt que de simplement envisager de réduire notre consommation individuelle et de modifier notre mode de vie.

 

Notes:

1. Voir: https://www.erudit.org/fr/revues/raq/2008-v38-n2-3-raq3864/039803ar/

2. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/552496/route-138-bloquee-innus-mali...

3. https://www.nonauxhausses.org/wp-content/uploads/DocumentHQ.pdf

4. https://ici.radio-canada.ca/nouvelle/1867518/tarifs-hydro-quebec-hausse-...

5. Breton, Gaétan; Blain, Jean-François, « Les mauvais coût d’Hydro- Québec », Éditions Varia, Fonds,1999,184p.

6. Voir: https://www.youtube.com/watch?v=RcNBHoaGzNs

7. Voir: https://www.youtube.com/watch?v=RcNBHoaGzNs