Mise à jour de ma situation juridique -- Juillet 2011

Mise à jour de ma situation juridique -- Juillet 2011
Pat Cadorette

Le 26 juin 2010, vers 10 h, soit quelques heures avant le coup d'envoi des manifestations historiques contre la tenue du Sommet du G20 à Toronto, j'ai été interpellé et placé en état d'arrestation par un groupe spécial d'intervention du service de police de la ville de Toronto. On me lu mes droits et m'informa que j'étais accusé d'une série de chefs de complot pour mon rôle présumé dans l'organisation des manifestations populaires qui devaient avoir lieu quelques heures plus tard.

On me transféra en camion blindé vers le centre de détention provisoire aménagé dans les anciens studios de l'Avenue Eastern, puis quelques heures plus tard à la prison provinciale de Maplehurst, dans la banlieue torontoise de Milton, où je suis resté détenu 16 jours en attendant une audience de remise en liberté sous caution.

Pendant toute la période de détention, et même après ma libération, la situation était loin d'être claire, et j'ai dû attendre plusieurs semaines avant de connaître la nature exacte des accusations retenues contre moi, soit : trois chefs de complot, 1) dans le but de commettre des méfaits de plus de 5000 $ ; 2) dans le but de commettre des voies de fait contre des agents de la paix ; et 3) dans le but d'entraver la justice (le travail des policiers). Pour ces infractions présumées, la couronne exige deux ans d'emprisonnement ferme, à titre de condamnation dite "exemplaire".

J'étais, et suis toujours, accusé avec 16 (initialement 17) autres militants et militantes de l'Ontario et du Québec d'avoir littéralement ourdi les actes de vandalisme et les chocs avec la police qui ont eu lieu au centre-ville de Toronto le 26 juin 2010. Nous sommes donc littéralement accuséEs d'être les "généraux" (sic) des personnes qui ont commis les méfaits, voies de fait et entraves dont on nous reproche la responsabilité.

Le 12 juillet 2012, un juge de paix de l'Ontario m'a imposé un cautionnement de 47 000 $ et une série de conditions de libération très sévères, dont l'assignation à domicile (assortie d'une clause me permettant de sortir accompagné par l'une ou l'autre de mes garantes de caution ou par un "adulte responsable" désigné par écrit) ; la stricte non association avec mes co-accuséEs et les groupes identifiés par la Couronne comme étant directement liés aux actions qui nous sont reprochées ; l'interdiction d'utiliser un dispositif de communication sans fil, notamment un téléphone mobile ; et l'interdiction de participer à toute manifestation publique ou de prendre part à l'organisation et/ou la planification d'une manifestation publique.

Je suis resté assigné à domicile du 12 juillet 2010 au 24 juin 2011, soit un peu moins d'un an, jusqu'à ce que la Couronne consente à un assouplissement des conditions (cette assouplissement est dû à une contestation menée par un de mes co-accuséEs). Je suis cependant toujours contraint par la condition de non association et par l'interdiction de participer à, ou d'organiser, des manifestations publiques. Ces conditions resteront vraisemblablement en vigueur jusqu'au procès ou jusqu'à ce que les accusations soient retirées.

Une série d'audiences préliminaires est prévue pour l'automne 2011. Ces audiences doivent commencer le 12 septembre et s'étendre sur 11 semaines. Le but des audiences préliminaires est de déterminer si la Couronne dispose de suffisamment de preuve pour justifier la tenue d'un procès contre chacunEs des accuséEs. Je devrai vraisemblablement être présent en cour tout au long de l'audience préliminaire, et ce, même si je ne suis personnellement concerné que par une infime partie des éléments compris dans la preuve mise de l'avant par la Couronne (au delà de 60 000 pages de "preuve" accumulée au fil d'une année et demi d'opération d'infiltration, de surveillance et de collecte de renseignements).

Le procès n'aura probablement pas lieu avant l'automne 2012, voire même 2013.

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Il est clair, dans ce contexte, que la police politique revient en force au Canada sous les auspices du commandeur Stephen Harper. Tout porte à croire que les quelque 600 millions de dollars généreusement distribués aux agences policières du pays pour assurer la sécurité du G8/G20, l'opportune formation d'agences de "sécurité intégrée" (dont la chaîne de commandement, en passant par la GRC, remonte directement jusqu'à Harper, sinon plus loin) ainsi que le recours accru aux opérations d'infiltration et aux informateurs civils pour évaluer, neutraliser et éliminer la résistance populaire aux Jeux olympiques d'hiver et aux sommets du G8/G20 en 2010, signalent la résurgence et l'intensification de la répression politique au Canada.

À l'heure de la majorité conservatrice et du virage abrupt vers l'imposition de politiques d'austérité (dont le cadre est d'ailleurs mentionné dans la déclaration officielle du G20 de Toronto !), il importe plus que jamais que les organisations et militantEs de la base soient conscientEs du danger qui les guette (littéralement).

En solidarité,
Pat


"Never in history has violence been initiated by the oppressed. How could they be the initiators, if they themselves are the result of violence? How could they be the sponsors of something whose objective inauguration called forth their existence as oppressed? There would be no oppressed had there been no prior situation of violence to establish their subjugation. Violence is initiated by those who oppress, who exploit, who fail to recognise others as persons - not by those who are oppressed, exploited and unrecognised." - Paulo Freire