COUP DE CHIEN : Édito du journal de la CLAC - Novembre 2010

Coup de chien (n.m.) bourrasque, coup de tabac, émeute, malheur (…) ; tempête subite ; événement inattendu qui frappe brutalement ; coup dur ou événement pénible, a d'abord signifié « action perfide » (digne d'un chien).

Le Sommet du G20 de Toronto est d'ores et déjà passé à l’histoire comme un fiasco aux proportions monumentales. Seuls les conservateurs et les économistes les plus bornés osent encore prétendre tout haut que cet inutile et dispendieux rassemblement de crapules en aura valu le coût et la peine.

C'est au bas mot 1,3 milliards de fonds publics que les bouffons du gouvernement Harper ont engouffrés dans cette farce de mauvais goût, dont 930 millions alloués à la « sécurité » (combien de compressions par-ci, de coupures par-là, de programmes sociaux charcutés ou éliminés ?). Sur le plan de la répression, le bilan est lourd : 1 110 arrestations ; 305 accusations criminelles initialement ; puis 227 ; puis au final un peu plus d’une centaine. Littéralement, trop d’incidents d’abus policier et de violations des droits fondamentaux pour qu’on puisse les compter. Du jamais vu dans l'histoire du Canada.

Puis, à l'intérieur de la forteresse, rien. Ou du moins, rien qui importe aux yeux des 99, 9% de la population mondiale. Des formules creuses, des vœux pieux, des consensus mous et un rendez-vous pour la prochaine sordide mise en scène du Groupe des 20 : Séoul, les 11 et 12 novembre 2010. La prochaine occasion pour les pourritures capitalistes de présider, sourire aux lèvres, à la catastrophe globale.

Mais il ne suffit plus de réitérer la corruption morale des dirigeants, de répéter ad nauseam que le système capitaliste mène le monde à sa perte. Encore faut-il, de leur côté, que les acteurs du mouvement anticapitaliste sachent faire le point ; examiner leurs réflexes, admettre leurs lacunes, remettre en question leurs méthodes et inventer une praxis qui corresponde concrètement aux objectifs qu'ils et elles se donnent.

Car un certain nombre de constats s'imposent dans la foulée de cette mobilisation historique contre le G20 de Toronto.

D'abord, le manque de cohésion, de vision et de stratégie globale de notre mouvement. La profonde ineptie des politiciens et la brutale incompétence des forces de police ne doivent pas nous faire oublier nos propres insuffisances. Si l'on peut dire aujourd'hui que la bataille de Toronto s'est soldée par un match nul, ce n'est pas parce que nous avons su faire valoir nos idées et nos tactiques (aussi diverses soient-elles), mais bien parce qu'eux ont brisé toutes les règles de leur prétendue démocratie. Au Québec, nous avons réussi à faire une mobilisation large et inclusive et à intégrer de nouvelles énergies dans le mouvement anticapitaliste local. Sur place à Toronto, nous avons bien perturbé la séance, comme nous l'avons pu, à la bonne franquette. Nous avons donné l'exemple de la résistance qui va de soi et avons respecté approximativement le rituel exutoire bien connu. Mais assurément, nous souhaitons plus et mieux que de participer machinalement au Spectacle. À la prochaine occasion, reprendrons-nous le même rôle? Et si oui, saurions-nous au moins définir une stratégie commune? Dès aujourd'hui? Sommes-nous en mesure d'impulser des mouvements anticapitalistes forts et cohésifs, au jour le jour, à travers nos communautés ?

Ensuite, il faut redoubler de vigilance et repenser notre manière de se coordonner entre différentes villes, dans le cadre de mobilisation larges. L'infiltration policière du milieu anarchiste ontarien a résulté en l'inculpation d'une vingtaine d'organisateurs et organisatrices du sud de l'Ontario et du Québec, dont deux membre de la CLAC, qui sont actuellement sous le coup de multiples accusations de complot. Il est grand temps de revisiter collectivement les bases de la prétendue culture de sécurité et de rechercher ensemble le juste équilibre entre l'organisation de type affinitaire et la mobilisation à caractère inclusif, de telle sorte que ni l'une ni l'autre ne soit compromise.

Finalement, nous avons eu une démonstration claire du fait que l'État est prêt à tout pour défendre le territoire capitaliste. Force est de constater que la répression et le harcèlement judiciaire des anticapitalistes sont handicapants. Mais d'un autre côté, la réaction excessive de l'État trahit une certaine nervosité. Là encore, il ne suffit pas de déplorer la criminalisation de la dissidence et de dénoncer le non respect de nos droits. Il faut continuer à se battre, rester sur l'offensive, refuser de se laisser repousser dans le coin. Et il ne faut surtout pas se laisser intimider. La meilleure façon de faire valoir son droit de protester… est encore de protester !

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Ce journal se veut une espèce de foire aux questions. En quelque sorte, nous avons voulu revenir aux bases. En cela, certains textes s'adressent davantage aux néophytes qui s'intéressent aux idées anticapitalistes, alors que d’autres sont plutôt orientés vers les militants et militantes de longue date. Nous avons aussi voulu faire le point sur l'état actuel de nos luttes, car si nous constatons un certain regain d'énergie et d'enthousiasme du milieu anticapitaliste à Montréal, nous remarquons aussi une sorte d'éparpillement. Surtout, nous espérons que le contenu de ce journal serve à la réflexion et contribue à la formulation d'objectifs clairs et d'une stratégie pragmatique pour le mouvement anticapitaliste. Si vous avez des commentaires ou des bêtises à formuler, n'hésitez pas à nous écrire à communications @ clac2010.net. Bonne lecture.